Alors que la loi « Avenir professionnel » récemment adoptée par le parlement projette de réformer en profondeur l’organisation de la formation en apprentissage, un rapport du Céreq intitulé « Mesure et analyse des discriminations d’accès à l’apprentissage » revient sur les difficultés que peuvent rencontrer certains publics pour accéder à ce type de formation.
Mené de 2014 à 2017 par des chercheurs du Céreq et des laboratoires CERTOP, CLERSE et LPS-DT, les résultats de cette étude vise à analyser pourquoi certains jeunes candidats potentiels peinent, voire échouent, à intégrer cette filière de formation et identifier de potentiels freins dans l’accès à l’apprentissage.
Les données récoltées ont permis de mettre en évidence un clivage se creusant au fil du temps entre lycéens professionnels et apprentis, à filière de formation équivalente. En outre, la part des apprentis de sexe masculin est supérieure à celle de leurs homologues féminins du fait du petit nombre de filières d’apprentissages qui leur sont accessibles, surtout au niveau du secondaire.
Les différences sociologiques entre apprentis et lycéens professionnels se retrouvent dans leur origines sociales. Les candidats à l’apprentissage sont généralement d’origine sociale moins « populaire » que les lycéens professionnels et moins souvent issus de l’immigration postcoloniale.
Les objectifs du rapport
L’objectif du projet « Mesure et analyse des discriminations d’accès à l’apprentissage » est d’appréhender les raisons pour lesquelles les jeunes qui ont un potentiel à devenir des candidats à l’apprentissage ont des difficultés ou connaissent même un échec à intégrer une filière de formation.
L’étude se penche également sur le rôle que peut jouer la dimension des discriminations dans un tel processus. Pour ce faire, le projet a usé d’une méthodologie combinant les approches quantitatives aux statistiques qualitatives et publiques, notamment en recueillant 2 000 questionnaires et en menant de nombreux entretiens.
Quelles discriminations freinent l’accès à l’apprentissage?
Les résultats montrent que les différences sociologiques observées entre lycéens professionnels et apprentis impactent le parcours des candidats. En effet, elles sous-tendent premièrement que les écarts des ressources familiales va influencer la possibilité du jeune à avoir accès à l’apprentissage et donc le mener à opter pour une formation sous statut scolaire.
Deuxièmement, les différences culturelles pèsent sur la perception du système scolaire et la construction du projet professionnel. Les apprentis mettent ainsi en avant la vocation et valorisent leur formation à un métier étayé et matérialisé par l’histoire familiale tandis que les lycéens mettent en avant la valeur travail. L’insistance des apprentis sur le rapport salarial prouvent qu’ils ont une volonté de rupture avec des situations familiales précaires côté emploi et marquées par le chômage.
Les résultats de l’étude mettent particulièrement l’accent sur le poids des socialisations familiales : les apprentis évoluent dans un univers qu’ils connaissent car il a été expérimenté et souvent valorisé par la famille. Les élèves par contre, du fait souvent d’orientations contrariées, s’aventurent dans un univers inconnus dont les règles et les conventions leur sont quasi inconnues.
Ainsi, l’étude tente à la fois de pointer du doigt l’existence de discriminations mais aussi d’auto discriminations dans l’accès à l’apprentissage. Elle insiste également sur le caractère multifactoriel des rapports sociaux de classe, de genre et d’origine qui se combinent et contribuent à reléguer les élèves les moins dotés dans les segments les plus dominés de l’enseignement professionnel, au sein duquel les apprentis deviendraient ce que le rapport qualifie de « nouvelle élite des réprouvés« .
Consulter l’intégralité du rapport du Céreq « Mesure et analyse des discriminations d’accès à l’apprentissage » ici.