Plusieurs études cherchant à cerner les aspirations des salariés au travail sont récemment parues et relèvent que le niveau de rémunération ne serait plus la principale motivation des travailleurs français. Ces derniers mettent en avant des critères plus humains pour évaluer leur activité professionnelle comme le bonheur au travail, la reconnaissance sociale, les relations professionnelles, la responsabilité sociétale ou le sentiment d’utilité dans leurs fonctions.
Ce constat ne concerne pas seulement les jeunes générations mais touche l’ensemble des salariés. Cependant, l’affirmation selon laquelle ces derniers placeraient désormais l’épanouissement personnel avant la carrière ou la rémunération mérite d’être nuancée.
Le bonheur au travail, facteur réel de motivation
Au regard des nombreux travaux ayant été réalisés à ce sujet, le rôle déterminant du bien-être au travail dans la motivation et l’efficacité des salariés est indéniable.
Parmi les études récentes, celle de la Génération Cobaye qui a comme sujet le bonheur chez les jeunes et qui date de 2016 prouve que pour ces derniers, l’importance est donnée au sens de leur travail, la passion qu’ils y mettent ainsi que son utilité pour la société. La plupart des jeunes considèrent en outre que l’argent ne fait pas le bonheur.
Une autre étude menée par le bureau d’études Lightspeed et datant d’avril 2017 affirme que les « millenials » (ces enfants du millénaire nés entre 1980 et 2000) estiment qu’il est déterminant que leur employeur incorpore des éléments de développement durable à leur activité. Cela serait même un élément prioritaire pour choisir un travail.
Dans la même foulée, le cabinet Wildgoose a mené une étude en 2017 sur 120 entreprises de Grande Bretagne qui conclut que l’ambiance de travail et le bien-être sont des éléments guidant les choix des salariés. Il s’agit d’une tendance forte qui va au-delà de la dimension générationnelle, l’étude ayant porté sur des salariés de tous les âges et dans tout type d’entreprise.
Bien-être au travail, une notion centrale pour les salariés
Qu’est-ce qu’être satisfait ou heureux au travail signifie réellement? Il s’agit en effet d’une notion complexe qui varie en fonction des approches et des études.
L’étude de Wildgoose montre le rôle déterminant des « amis » au travail dans la notion de bonheur en entreprise tandis que d’autres études mettent l’accent sur le besoin d’autonomie. Ainsi, un management qui favorise l’autonomie serait bénéfique à la productivité, contrairement à un management qui est centré sur un contrôle strict et qui étouffe les collaborateurs. En outre, les employés à qui on donne de l’autonomie auraient plus confiance en eux et seraient plus satisfaits.
Généralement, il y a plusieurs facteurs qui conditionnent le bonheur et la satisfaction au travail et l’atmosphère qui règne au sein de l’entreprise en fait partie, en plus de la qualité des missions confiées au salariés, l’implication et l’écoute dont en fait preuve à leur égard.
En outre, la transparence a aussi son rôle à jouer, et plus particulièrement quand elle s’accompagne d’une bonne communication et reflète la confiance de l’employeur envers ses salariés.
La place du salaire dans les attentes des travailleurs
Toutes les précédentes études ne doivent cependant pas nous faire croire que la rémunération n’a plus d’importance pour les salariés. En effet, elle reste un outil majeur pour fidéliser les employés, notamment selon une étude du cabinet de recrutement Robert Half qui stipule que 69% des employés ayant quitté leur travail l’ont fait à cause de l’opportunité d’une meilleure rémunération. Ainsi, l’insatisfaction liée au salaire est un élément clé qui entre en jeu en cas de démission.
L’étude de Robert Half montre aussi que le taux d’insatisfaction au travail augmente avec l’âge, une partie des 35 à 49 ans se déclarant déçus de ne pas avoir vu leur carrière évoluer comme ils l’auraient souhaité.
En outre, il faut préciser que les résultats des enquêtes qui mettent l’accent sur des facteurs autres que le salaire dans les conditions du bonheur au travail varient en fonction du genre et de la position au sein de l’entreprise. Ainsi, les femmes sont plus concernées par le phénomène que les hommes et il en est de même pour les employés et cadres non dirigeants par rapport aux managers et directeurs. Les jeunes actifs de 26 à 34 ans et les travailleurs de 55 à 64 ans sont ceux pour qui le bonheur est le plus important, et il en est de même pour les salariés des PME.
En conclusion, même si le salaire et les perspectives d’évolution professionnelle ne figurent plus en tête des critères, il n’en demeure pas moins qu’ils traduisent la valeur des employés au sein de l’entreprise.
Si le salaire est trop bas, il peut avoir des effets sur la confiance et la qualité de vie hors du travail. Recevoir une augmentation ou évoluer dans sa carrière signifie que le salarié a fourni un travail de qualité et cela peut avoir une influence sur sa motivation et le sentiment d’être valorisé.
Les inégalités face au bonheur au travail
Il faut différencier satisfaction, insatisfaction et bonheur au travail. Le psychologue Frederick Herzberg précise ainsi dans ses travaux qu’être heureux ou satisfait ne veut pas exactement dire que l’on ressent le contraire de l’insatisfaction. Ce psychologue américain affirme en effet qu’un salaire décent, des conditions de travail satisfaisantes et la sécurité de l’emploi sont des besoins extérieurs de base impératifs à la satisfaction au travail sans avoir beaucoup d’influence sur la motivation et donc la performance. Pour atteindre ces derniers, il faut que les employés soient satisfaits et pour ce faire, il faut leur donner de l’autonomie, les stimuler, reconnaître leurs accomplissements et leur proposer des perspectives d’avancement. Comme il s’agit de facteurs générant l’auto-motivation des employés, cela permet aussi d’augmenter leurs performances.
Une enquête de Glassdoor (site internet d’offres d’emplois) montre d’ailleurs que plus le niveau de rémunération est élevée, moins le salaire en lui-même et les avantages sociaux afférents ont de l’importance pour le salarié. Il en est de même pour l’équilibre entre le travail et la vie privée. Ainsi, une fois que le salaire a atteint un certain niveau, les priorités sont reportées vers la culture, les valeurs, la qualité de management ainsi que le sens du travail.
En outre, une recherche effectuée par la célèbre Université de Princeton a prouvé qu’au delà d’un salaire d’environ 70 000 euros par an, cette rémunération n’augmente plus le niveau de bonheur. En effet, une fois ce plafond dépassé, le niveau de bonheur n’est plus influencé, tendant ainsi à prouver que plus on avance dans une carrière, et donc plus le salaire augmente, plus on revoit ses priorités et le bonheur au travail reprend son importance.
Ainsi, la question du bonheur au travail va au-delà du salaire, d’où la recrudescence de ces sujets dans un contexte où les conditions de travail se détériorent. On relève notamment d’avantage les effets potentiellement négatifs du travail sur la santé et la jeune génération ne semble pas aspirer à reproduire le même modèle que ses aînés tandis que ces derniers voient dans cette contestation une occasion d’amorcer des changements.